Les Glanches lèvent le poing

La semaine est terminée



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Evita (Evita)
de Alan Parker (1996)
Alan Parker n'est jamais meilleur que lorsqu'il réalise des films liés à la musique. Evita ne fait pas exception à la rêgle. Je vous vois bien ricaner dans le fond, genre mais quelle idée de choisir ce truc avec Madonna, et bien tout simplement parce que c'est un grand film de cinéma. Parker réussit la gageure de nous accrocher avec cette comédie musicale, il réussit même à rendre crédible Antonio Banderas, c'est dire. Quoi de mieux pour illustrer la thématique de la semaine, que ces bouchers revendicatifs, s'insurgeant contre le pouvoir en place (Question). Sous son aspect film à grand spectacle avec Madonna, se cache en fait un vrai film social. Délaissée dans ses jeunes années (Indice 1), Evita, magnifiquement interprétée par Madonna, utilisera tous les moyens à sa disposition pour arriver à ses fins. Elle incarne toute l'ambiguité de l'ascension sociale, devenant une véritable icône aux yeux de ses concitoyens, limite leader syndical (Indice 2), mais elle ne saura éviter les pièges du pouvoir, stigmatisant peu à peu tous les reproches du peuple. Malgré sa déchéance, elle ne cessera d'incarner aux yeux des argentins une certaine idée de la liberté, comme le démontre l'éblouissante séquence d'introduction.
Rocka


2



Network (Network)
de Sidney Lumet (1976)
Il semblerait qu'il ait fallu attendre le début d'un nouveau millénaire pour réaliser que Sidney Lumet n'était pas un "honnête faiseur" au service de grandes histoires, mais tout bien considéré l'un des plus grands formalistes que le cinéma américain ait engendré dans la 2ème moitié du XXème siècle (oui, oui, je le pense), et Network demeure l'une de ses oeuvres majeures, un film immense injustement oublié du frcd jusqu'à aujourd'hui, et que je suis fier de proposer tant ce film compte pour moi.

Entre des cadrages toujours pertinents et un sens chirurgical du montage, sa mise en scène sans esbrouffe atteint une efficacité redoutable, qui exalte et dramatise un propos sidérant de modernité ; télé-réalité, ultra-libéralisme sauvage des grands groupes financiers, compromission économique du pouvoir politique, récupération commerciale de l'action terroriste (indice 1), Network anticipait sur le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui, pour montrer des personnages perdus dans un monde qui à force de changer en devient vidé de sens (finalement, peu importe ce que déblatère Howard Beale, c'est la manière dont il le dit qui assure son succès), vidé d'émotion (l'escapade amoureuse de Max et Diane, qui tourne à la réunion de travail), vidé de toute vie.

Jouant avec un humour noir ébène qui fait souvent froid dans le dos (la scène de l'indice 2 étant à mon sens la scène la plus superbement, terriblement, monstrueusement, paroxystiquement cynique de l'histoire du cinéma - en plus d'être une leçon de cinéma), Lumet n'oublie cependant jamais ni ses personnages (plusieurs scènes me font à chaque vision venir les larmes aux yeux), ni son histoire - sommet de cohérence - ni même ses spectateurs, invités, à l'instar des protagonistes de la fameuse scène de Question, à se lever, à ouvrir leur fenêtre et à crier leur rage : I am mad as hell, and I'm not gonna take it anymore !!!!!!
ed crane


3



Le Sel de la Terre (Salt of the Earth)
de Herbert J. Biberman (1954)
Bon, je le reconnais volontiers, je suis fautif. Mea maxima culpa. C'est un peu à cause de moi que vous avez dû vous fader une semaine aussi peu glamour. Mais il n'était pas question que je participe au frcd en tant qu'organisateur sans vous proposez le premier et le seul film officiellement blacklisté de l'histoire du cinéma américain. Tourné en 1953 et très peu distribué, Salt Of The Earth reste à ce jour comme une œuvre majeure du cinéma engagé.
Et si j'y tenais, ce n'est finalement pas tant par son côté militant que par ses qualités cinématographiques ; scénaristiques d'abord (superbe travail de Michael Wilson), visuelles et sonores (rarement film américain des années cinquantes aura été à la fois si réaliste et si poétique) et d'interprétation (émouvante et magnifique Rosaura Revueltas). Car Salt of the Earth est un concentré sans égal d'émotion et de prise aux tripes à la manière du cinéma néo-réaliste qui a gardé par delà le temps une extraordinaire modernité, tant par son message politique - la grève menée dans une mine de zinc par des employés traités comme des esclaves (question) - que par son féminisme ouvertement assumé. Tandis que l'Américan Way of Life des 50's montrait dans sa pub des ménagères blondes et soumises, toute la force réside ici dans la lutte menée par les femmes contre leurs grévistes de maris afin de pouvoir conduire le combat à leurs côtés (indice 1) et imposer aux patrons d'autres types de revendications que salariales (un logement salubre par exemple).
Il y a aussi toute la légende qui court autour de ce film : l'impossible financement (refusé par tout Hollywood, le film sera finalement financé par l'International Union of Mine, Mill and Smelter Workers), le tournage en décors réels avec des acteurs amateurs (Indice 2) jouant leur propre rôle (à l'exception de 5 comédiens professionnels), les coups de feu tirés sur le plateau par des milices anti-communistes, l'extradition par le gouvernement américain de Rosaura Revueltas au Mexique pendant le tournage, le fait que réalisateur, auteur et producteur du film avaient été blacklistés en raison de leur attitude peu amicale envers la commission McCarty, le boycott des laboratoires de développement et des salles de cinéma. Tout à concouru à faire de ce film, un film maudit et donc culte.
Mais au-delà de sa légende, Salt of the Earth est un de ces (trop) rares films qui vous fait dresser les poils sur les bras à défaut d'un poing rageur et qui vous rappelle avec une puissance inégalée pourquoi c'est mieux d'être de gauche ! Pour tout ça, je vous salue bien bas M. Biberman.
N.B. : Vous pouvez découvrir Salt of the Earth gratuitement à cette adresse puisqu'il est dans le domaine public. Si deux ou trois d'entre vous ont la curiosité de le faire, j'en serais comblé.
Pasco Meisner


4



Happy Feet (Happy Feet)
de George Miller (2006)
Par suite d'abus de boissons alcoolisées fortement frelatés, notre cher Harry Hausen ne peut pas mettre les critiques de ses choix artistiques (si, si !). Celà dit, il n'est même pas sûr qu'une fois sorti de sa cure de désintoxication que notre illustre collègue ne mette la moindre critique vu l'état de délabrement avancé de son cerveau... Et les jeunes, là, au fond, que cette triste histoire vous sert de leçon !
Harry Hausen


5



La Taverne de l'enfer (Paradise Alley)
de Sylvester Stallone (1978)
On poursuit ce voyage dans l'univers "roynearien" avec un inévitable, indépassable, incommensurable, inénarrable, irréfutable, indispensable comédien (et aussi réalisateur parfois, comme dans le cas qui nous occupe) nommé Sylvester Stallone. Sly, pour les intimes, n'est jamais aussi bon que lorsqu'il se raconte à travers ses films et personnages. D'autobiographie, il en est un peu question dans La Taverne de l'enfer (et non FIST, désolé les gars, mais il y avait un piège… oui, je suis fier de moi), dont l'action se situe dans les années 40 à Hell's Kitchen, quartier misérable et interlope de New York où Stallone a grandi et fait les quatre cents coups. Dans le rôle de Cosmo Carboni, Sly est un branleur de première, rusé comme un renard même si habitué des coups foireux, truqueur comme un arracheur de dents (on le voit en faux cul-de-jatte dans la Question) et surtout, pour notre plus grand plaisir, un incroyable cabotin italo-américain à rendre De Niro jaloux. Entouré d'un frère cynique blessé de guerre et d'un frère cadet livreur de glace, simplet mais bâti comme une armoire normande (Indice 1), Stallone va persuader ce dernier à monter sur un ring de catch pour gagner des paris clandestins et sortir sa famille de sa condition sociale. Malgré ses maladresses et ses quelques clichés, La Taverne de l'enfer respire une sincérité, une naïveté, un parfum de nostalgie et une énergie vitale qui forcent la sympathie, même s'il a fait un four au box-office. Je mentionnerai aussi la photographie du grand Laszlo Kovacs, proche du travail de Gordon Willis (ce qui a pu pousser certains d'entre vous à proposer Le Parrain 2). Ce Sylvester Stallone du début de carrière est également passionnant dans sa boulimie créatrice et son envie de rouler les mécaniques pour s'imposer à Hollywood. D'une certaine manière, Cosmo est le grand frère malin de Rocky. Enfin, pour faire plaisir au chef des Glanches et aux amateurs de cette actrice trop rare et malheureusement sous-exploitée (il faut vraiment être à l'ouest pour lui préférer Glenn Close…), un petit hommage à la superbe Anne Archer s'imposait (Indice 2).
Roy Neary


6



Le Grand Passage (Northwest Passage)
de King Vidor (1940)
Voilà encore un film qui ne fût pas facile à tourner ! L'histoire raconte l'épopée du Major Robert Rogers (excellent Spencer Tracy) et de ses hommes, les célèbres rangers, qui doivent aller anéantir un village indien en plein coeur d'une forêt infestée d'ennemis. L'histoire est adaptée d'un roman de Kenneth Roberts mais le scénario n'est pas fini quand Vidor commence le tournage, il ne sera d'ailleurs toujours pas fini à la fin du tournage, le réalisateur se voit ainsi obligé de renommer son film The Northwest Passage : Book 1 à la sortie du film. La suite ne sera jamais tournée, mais ça n'empèchera pas une série de 26 épisodes, reprenant le personnage de Rogers et de ses rangers, de connaître le jour. Pour corser le tout, il s'agit du premier film tourné en Technicolor, les caméras (plus de 300 kilos) font que la réalisation dans les milieux naturels est aussi épique que les aventures du Major Rogers !
Sinon, ce qui m'a le plus marqué quand j'ai découvert ce film (il y a un peu plus d'un an), c'est, d'une part, sa violence et surtout, son étonnante modernité, notamment dans les scènes d'actions. Vidor filme l'attaque du village indien avec une dextérité et une virtuosité digne des meilleurs films de guerre récents. Un exemple, la caméra n'hésite pas à prendre la place d'un soldat qui vise et tue un indien qui court au loin, le tout dans un seul plan. Ensuite, les scènes de barbarie et de violence s'enchaînent d'un côté comme de l'autre, ce qui fait que les rangers ne sont plus glorifiés comme au début du film, ils deviennent au fur et à mesure de l'histoire de véritables bêtes sauvages et la scène où on découvre qu'un des rangers se trimballe avec la tête d'un de ses ennemis dans sa sacoche finit par enfoncer le clou... Le grand passage est un grand film qu'il faut avoir vu au moins une fois pour se rendre compte que le cinéma et la guerre (et ses atrocités) ne sont qu'un éternel recommencement.
L'étranger


7



Moi un noir (Moi un noir)
de Jean Rouch (1958)
"Si Godard, Chabrol et Truffaut sont descendus filmer dans la rue, loin des studios, c’est aussi et surtout grâce au Rouch des Veuves de 15 ans et de la Pyramide Humaine, véritables manifestes de la Nouvelle Vague..." écrivait-on il y a quelques mois sur l'auguste site Dvdclassik (paie ta minute d'auto-promo). On pourrait évidemment rajouter à cette liste Moi un noir, l'un des plus beaux films du sorcier blanc. L'un des plus libres et des plus forts aussi, à l'image du travelling final, anthologique. Depuis peu, les oeuvres les plus importantes du regretté Rouch sont disponibles dans toutes les bonnes crémeries sous étendard Editions Montparnasse. L'occasion de (re)découvrir ce cinéaste majeur et sa formidable soif de filmer !
Margo


8



Matrix (The Matrix)
de Andy & Larry Wachowski (1999)
Malgré les critiques négatives qu'il reçoit maintenant que le phénomène est passé, je continue quand même à défendre le film des frères Wachowski ! Beaucoup ont oublié que quand le film est sorti, ça a été une mini révolution donc il a bien sa place dans notre thématique "sociale" (ou "comment que j'te fais rentrer ça dans la thématique avec un bon coup de massue" ) ... et pourtant, à la base, c'était quand même un projet ultra casse-gueule. Les studios Warner, qui n'étaient pas en grande forme, décident de suivre Joel Silver sur ce coup là, je me demande encore comment ils ont fait pour produire ce blockbuster !?!? Un film avec des super-héros mais qui ne prend pas racine dans un comics déjà existant, des arts martiaux "à la chinoise", des effets spéciaux "nouvelle génération" qui peuvent s'avérer bien foireux, une histoire plus complexe que la moyenne pour faire avaler tout ça, deux réalisateurs qui sont connus pour être assez indépendants (et donc qui n'écouteront pas les "conseils" des executives) et qui n'ont jamais réalisé un film à gros budget, un acteur has-been plus connu pour ses films d'auteurs que ses films d'actions... Personnellement, j'espérais mais n'y croyais pas trop, parce qu'il y avait tout ce que j'aime dans ce projet quand même, mais combien se sont plantés avant eux ? D'ailleurs, c'est là qu'ils ont fait fort les Wachowski, le film fait beaucoup parler de lui sur le net, bien avant sa sortie, ils ont réussi à faire saliver les nerds du monde entier avec l'histoire de cet homme quelconque qui se découvre des pouvoirs extra-ordinaires, ils n'hésitent pas à diffuser des infos, ils dialoguent pas mal avec les fans de comics, ça fait monter la mayonnaise tout ça et elle prend plutôt bien ! En fait, Larry et Andy Wachowski mûrissaient leur coup depuis longtemps, ils savaient exactement ce qu'ils voulaient et quand le film sort, il tient toutes ses promesses. Le public suit en masse, le film est un carton, la Warner est sauvée de la faillite et moi je me régale devant mon rétroprojecteur, si c'est pas du bon happy-end ça !
L'étranger


9

 *


* Format imdb : 1.66
Nos meilleures années (La meglio gioventù)
de Marco Tullio Giordana (2003)
Oui d'accord, c'est long...

Mais pour peu qu'on se donne le temps de ce film-fleuve de Marco Tullio Giordana (scénarisé par Petraglia et Rulli, les nouvelles coqueluches du cinéma italien), pour peu qu'on se laisse entraîner dans la tumultueuse histoire - sur trois générations - de la famille Carati, et derrière elle, de toute l'Italie du XXème siècle, ces six heures non seulement n'en paraissent que bien moins, mais surtout s'avèrent d'une intensité rare.

Dramatique en évitant soigneusement le mélo larmoyant (et il y a pourtant matière à), le film dresse - parfois avec âpreté - le portrait bouleversant de personnages jamais figés, en constante évolution dans un pays lui-même brassé par des crises sociales (Question), des catastrophes naturelles (les inondations florentines), l'incertitude politique, la montée du terrorisme - en évitant d'ailleurs tout manichéisme, dans un sens comme dans l'autre, vis à vis des Brigades Rouges.

Tous pays considérés, peu de films ont su mêler, avec une telle ambition scénaristique (et une telle réussite), la grande Histoire, et celle, plus cinématographique, de deux frères, unis par le sang et opposés par leurs destins : dans le rôle de l'imprévisible Matteo (indice 2), Alessio Boni livre une performance d'une intensité rare, contrebalancée par celle, sidérante de finesse, de justesse et de sensibilité, de Luigi Lo Cascio, dans le rôle de Nicola (indice 1, avec la touchante Giulia, jeune fille mentalement perturbée qui fait office de fil conducteur au film). Certes, on peut considérer que la mise en scène - au contraire de la photo - ne met pas forcément de la meilleure des façons cette qualité d'interprétation en valeur. Mais peu importe : la richesse narrative et émotionnelle de ce film grandiose suffit à en faire une oeuvre inoubliable.
ed crane


10



Kekexili, la patrouille sauvage (Kekexili)
de Chuan Lu (2004)
Injustement passé inaperçu lors de sa sortie française début 2006, Kekexili nous décrit l'incroyable histoire - inspirée de faits réels - d'une patrouille de volontaires tentant de combattre le sanglant braconnage (indice 1) de l'Antilope tibétaine, espèce en voie de disparition ne se trouvant que sur le plateau du Kekexili, zone hostile et inhabitée, située à plus de 5000 mètres d'altitude. Evitant constamment l'écueil de la carte postale façon Himalaya tout en offrant un majestueux point de vue sur les paysages tibétains, le film remplit la double gageure d'être à la fois une palpitante et dramatique course-poursuite en altitude, là où l'oxygène devient rare, mais également un somptueux film contemplatif, quasi-documentaire (certains braconniers retrouvent leur propre rôle, aujourd'hui abandonné) sur le quotidien de ces hommes, ayant poussé l'abnégation jusqu'à l'absurde, jusqu'à la folie, jusqu'à la mort...

Ponctué de scènes véritablement traumatisantes, démontrant un réel sens dramatique (indice 2), le film expose sans ostentation et avec un soupçon d'amertume la bravoure et l'héroïsme d'hommes au destin à jamais liés les uns aux autres (Question), s'avérant une expérience de cinéma rigoureusement indispensable.
ed crane


11

 *


* Format IMDB 1.66
Switchblade Sisters (Switchblade Sisters)
de Jack Hill (1975)
Attention les yeux, il y a du monde au balcon. Jack Hill, spécialiste du cinéma d'exploitation, touche à tout de talent (il a fait exploser les codes du WIP et de la blaxploitation avec Pam Grier en vedette) nous livre un des plus beaux fleurons du genre. Switchblade Sisters est la dernière réussite du réalisateur. Reprenant les codes et les thêmes de l'époque, il nous donne un cocktail détonnant, mélangeant politique, conflit social (Question), revendication raciale, Jack Hill réussi le tour de force d'en faire un film complètement déjanté, tous ces thèmes n'étant bien sur que prétexte à de l'action débridée, mais pas que. On peut même aller jusqu'à considérer ce film comme un film féministe. Ayant marre de la domination machiste de leurs hommes, les femmes se rebellent, et nous démontrent qu'elles aussi peuvent faire rêgner la terreur. Fondant un gang, où il faut gagner le respect à la lame du couteau (Indice 1 - cran d'arrêt ou Switchblade pour les anglophiles, c'était cadeau). Une des multiples sources d'inspiration de Tarantino (Indice 2 - j'admets que la liste des movies connections de Kill Bill est longue mais il y est), ce brave Quentin aura même sorti ce film en dvd du temps de son éphémère label, Rolling Thunder. Switchblade Sister est un must have pour tout amateur de série B bien troussée qui se respecte.
Rocka


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Les Rois du Désert (Three Kings)
de David O. Russell (1999)
Pas social, le David O. Russel ? Peut-être que non... mais politique, assurément. Porté par une vedette aux opinions démocrates fièrement affichées (George Clooney, éblouissant), cet étonnant film de guerre n'a d’ailleurs guère d'équivalents dans le cinéma américain récent, et convoque plutôt le bon souvenir du MASH de Robert Altman : même sens acéré de la satire et même gouaille rigolarde au menu. Innovation par rapport au grand frère toutefois, Les rois du désert est en plus un vrai film de guerre, nerveux et violent. Résultat, un brûlot détonnant, véritable tract anti-guerre qui, bien que tourné plusieurs années avant la seconde guerre en Irak, assène quelques vérités sur les conflits qui secouent la région depuis des décennies, un sourire mi-goguenard mi-désabusé aux lèvres. Très étonnant, le film mérite une seconde chance.
Margo


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Le Sicilien (The Sicilian)
de Michael Cimino (1987)
Pour mon amour inconditionnel du Michael Cimino sous toutes ses formes (même les plus improbables), depuis la semaine inaugurale du jeu, vous étiez prévenus ! Alors faut pas venir vous plaindre maintenant !
Aussi quand il s'est agi de trouver un second film qui milite, je me suis tout de suite souvenu de cette émouvante internationale (question) chantée avec dignité et détermination par des paysans sans terre, avant que de se faire massacrer (Indice 1, ici vous avez échappé de justesse au fondement de Barbara Sukowa mais la semaine fondementale, c'est pour plus tard) par les nervis mafieux à la botte de gros propriétaires (classieux Terence Stamp en indice 2).
Car même si le film, grâce aux talents conjugués de Mario Puzo, Steve Shagan, Gore Vidal et Michael Cimino, narre les déboires d'un jeune inconnu devenu le célèbre Salvatore Giuliano (Ah Totofe, quel rôle magnifique auras-tu eu là encore !), il raconte aussi (et surtout) la lutte des classes en Sicile.
Presque autant décrié que La porte du paradis, faisant suite à l'imposant film de Francesco Rosi, ce Salvatore Giuliano à la sauce américaine à l'emphase déroutante, au romantisme dégoulinant et à l'héroïsme adolescent avait tout pour faire un nanar. J'en entends d'ici qui clament qu'il y est d'ailleurs magnifiquement parvenu mais je me tiendrai digne face au jets de tomates, navets et autres clés à molette pour vous assurer que ce Sicilian n'en reste pas moins un grand moment de cinéma (non non pas comique !).
Pasco Meisner


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Un, deux, trois (One, Two, Three)
de Billy Wilder (1961)
Berlin ouest, 1961 (Indice 1) : C.R. MacNamara – James Cagney – dirige la branche américaine de Coca-Cola (Indice 2) ; visant le siège londonnien, il est prêt à tout pour plaire à ses supérieurs. Et il va bientôt en avoir l’occasion : le président de la firme lui demande de s’occuper de sa fille, en vadrouille en Europe. Hélas, la petite peste fait les quatre cents coups, et comble de l’horreur, s’amourache d’un communiste (Question). Sans être obscur, ‘Un deux trois’ n’est pas le titre le plus connu de la filmographie de Billy Wilder, il mérite pourtant d’être découvert, en grande partie grâce à la performance très louisdefunesque de James Cagney, plein de déférence envers les puissants, sadique à souhaits avec ses subordonnés, et prompt à sombrer dans l'hystérie sous la pression, comme en témoigne la fin justifiant le titre. Pour le reste, c'est du Wilder comme on l'aime, où l'on ne retrouve pas la mélancolie latente de films comme "Embrasse-moi idiot" ou "L'Appartement", mais c'est compensé par un rythme endiablé propre à la comédie américaine, souvent imité, rarement égalé.

Disponible en Zone 2 de bonne facture.
Swan


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Les Mariés de l'an II (Les Mariés de l'an II)
de Jean-Paul Rappeneau (1971)
Le nombre d'éloges qui ont été adressés à Jean-Paul Rappeneau est aussi rare que la quantité de films qu'il a réalisés. Cette modeste tribune me permettra, en toute modestie, de remettre quelques pendules à l'heure. Vous allez me dire "Et Cyrano ?" ou " Et les multiples rediffusions télévisuelles ?"… mouais. Compte tenu de la réussite artistique de ses œuvres, de l'intelligence de ses scénarios et de leur sens inné du mouvement et de la grâce, il m'est quand même permis d'estimer que le travail de Rappeneau n'est pas reconnu à sa juste valeur. De La Vie de château à Bon voyage, le cinéaste / scénariste a ce don rare de mêler harmonieusement la grande histoire et la petite afin de confectionner des chevauchées romanesques où l'humour les sentiments les plus nobles le disputent à l'aventure. Ici, Rappeneau organise un ballet enthousiasmant autour des péripéties de Jean-Paul Belmondo, tout d'allant et de fraîcheur (Indice 2 auprès de la belle Laura Antonelli), qui revient en bateau (Indice 1) dans la France du XVIIIe siècle après s'être échappé en Amérique, et qui se retrouve en plein chaos entre les royalistes et les révolutionnaires (Question) dans le but d'obtenir son divorce. Rappeneau possède une vision aussi juste qu'ironique et savoureuse de cette période trouble, et cette fable picaresque que constitue ces Mariés de l'an II est une joie aussi bien pour l'esprit que le coeur. Le film est rythmé, festif, romanesque, malin, piquant, drôle, magnifiquement dialogué et bien sûr très beau sur le plan formel (photographie de Claude Renoir). Et la distribution ? Autour de Bébel : Marlène Jobert, Pierre Brasseur, Laura Antonelli, Charles Denner, Michel Auclair, Julien Guiomar, Sami Frey, Paul Crauchet, et même Patrick Deweare dans une courte apparition ! Rhaaaa !!
Roy Neary