Les Glanches se la jouent raccord

La semaine est terminée



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Princesse Mononoke (Mononoke-hime)
de Hayao Miyazaki (1997)
La Glanche est aussi un animal sensible et amateur de poésie (enfin je parle pour moi, pas pour Harry Hausen). Parmi la pléthore de chefs-d'œuvre réalisés par le magicien Hayao Miyazaki, il était difficile de faire un choix (enfin pas vraiment, il suffisait de se reporter aux archives du frcd). Choix d'autant plus judicieux qu'il représente mon film préféré chez le vieux maître japonais. Ashitaka (que l'on voit combattre dans les trois images du jeu), jeune prince guerrier atteint d'une maladie contagieuse et mortelle, part en quête du Dieu-Cerf susceptible de le guérir. Il se retrouve au beau milieu d'une guerre opposant les créatures de la forêt et les habitants d'une cité industrielle qui en exploite les richesses. De part et d'autre de cette lutte s'affrontent en tête l'imposante Lady Eboshi, dirigeante de la communauté minière, et San, alias Princesse Mononoke, une sauvageonne élevée par les loups. Film d'aventures, récit initiatique, fable écologiste sans aucune niaiserie, œuvre romantique, conte historique, récit mythologique, évocation sensible du rapport conflictuel entre sacré et profane, Princesse Mononoke constitue un triomphe de l'imaginaire, de l'esthétisme, de l'intelligence et du savoir. La puissance évocatrice des images de Miyazaki, ses visions d'une poésie aussi douce et violente que mystérieuse, le rythme élégiaque de la narration traversée de scènes d'action fulgurantes, la profondeur psychologique de personnages jamais manichéens, on n'en finirait pas de dénombrer les qualités de cette œuvre phare de l'animation contemporaine, véritable condensé de ce que l'esprit humain peut concevoir comme de plus beau, ambitieux, engageant, et stimulant pour l'esprit et les sens. Avec de tels maîtres, il ne peut plus exister de frontières entre le cinéma d'animation et le cinéma classique, ni même entre le cinéma et les autres arts. Enfin, je ne serais pas moi-même si je ne mentionnais pas le rôle essentiel joué par la musique du fidèle Joe Hisaichi, peut-être l'une de ses plus belles, émouvantes et raffinées composées pour un film du cinéaste, et que je n'aurais hélas pas eu le loisir de placer dans ce jeu (fichue thématique tiens !).
Roy Neary


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Affreux, sales et méchants (Brutti, sprochi e cattivi)
de Ettore Scola (1976)
C'est drôle et méchant, ça fait grincer les dents et ça tape sur tout ce qui bouge ! Que demander de plus ?
Les pauvres qui habitent ce bidonville romain, la famille de Giacinto et leurs voisins, sont croqués de façon étonnement peu complaisante, vils, minables, violents et du coup si cyniquement drôles et réalistes. Peut-on rire de la misère sans tomber dans le misérabilisme ? Scola nous prouve que oui en nous livrant ce film aux antipodes d'un cinéma attendu et entendu, lissé et policé. Secondé par Ruggero Maccari au scénario et Sergio Citti aux dialogues, il cache à peine sous le vernis de la comédie un brûlot balancé sans complaisance à la face des dirigeants de l'Italie des années 70 (et il sait de quoi il cause, engagé au point de devenir ministre quelques temps lui-même). Il crache en plus autant à la gueule de la démocratie chrétienne qui n'a d'autre solution que la charité à offrir à son quart monde qu'à celle de la gauche communiste en dépeignant ce lumpen prolétariat qui n'a strictement aucune envie de révolte et encore moins de lendemains qui chantent et ne rêve qu'à une chose : devenir riche pour enfin pouvoir baiser les plus pauvres qu'eux !
Ce film annonciateur du monde sans idéal qui se profile à l'orée des 80's tranche avec l'utopisme militant encore en vigueur durant les 70's. C'est peut-être pour ça qu'il fut si mal reçu. Pourtant quel film ! Je vous en recommande d'ailleurs, si tout ça vous titille, la chronique sur DVD Classik.
Le choix de la séquence raccord m'a conduit à vous proposer ce cliché éculé de l'Italie que représente le repas familial. Car ici derrière la façade enjouée de la famille réunie (indice 1) se cache une réalité bien plus sordide entre épouse barbue et imposante maîtresse prostituée (question), entre pouvoir et rancœur, entre jalousies et cupidité. Giacinto (Nino Manfredi, absolument incroyable, en indice 2) règne encore sur son petit monde. Mais pour combien de temps encore ? Car tous n'ont qu'une idée en tête : le tuer et lui voler ses indemnités lentement amassées converties en un magot qu'il défendra jusqu'à la mort. S'en sortira-t-il ?
Mes respects monsieur Scola car derrière le fable se cache un réalisateur techniquement bluffant, d'où mon choix de glisser votre film dans la semaine raccord. Vous enchaînez plans séquence et mises en scènes spectaculaires pour faire de cet affreux, sales et méchants un film véritablement inoubliable !
Pasco Meisner


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La dernière caravane (The Last Wagon)
de Delmer Daves (1956)
Delmer Daves était un excellent réalisateur, notamment dans mon genre de prédilection, le western. Je compte pas moins de 5 films proches de la perfection sur les 8 westerns qu'il a tournés : La flèche brisée, Jubal, 3H10 pour Yuma, Cow-boy (à qui d'autres préfèreront certainement La colline des potences) et donc, ce fameux La dernière caravane. Le film suit les péripéties d'un petit groupe de jeunes colons perdu sur le territoire des indiens qui sont en pleine guerre contre les blancs. Le rôle principal est tenu par Richard Widmark, un acteur habitué à des rôles assez variés, de bons ou de méchants, et d'ailleurs cette image colle parfaitement au personnage de Todd le comanche car on ne sait pas vraiment s'il est un gentil ou un bad guy - il est poursuivi par un shérif et ses adjoints au début du film. C'est seulement lorsque les colons se font massacrer par les indiens et qu'un petit groupe se retrouve isolé et perdu en plein territoire ennemi que le personnage de Widmark prend toute son ampleur car il est le seul à pouvoir sauver les survivants d'une mort certaine. C'est ce côté survival qui me plaît particulièrement dans ce film de Delmer Daves. On apprend peu à peu à connaître ce mystérieux étranger, on découvre son passé et pourquoi il en est arrivé là et surtout, il prend une dimension de surhomme aux yeux des rescapés alors qu'il était regardé avec crainte et/ou pitié depuis son arrivée dans le convoi de colons. Bon, contrairement à moi, Daves ne perd pas son temps en explications, et le film est rempli de scènes d'actions épiques, d'aventures et de décors fabuleux. Un must du genre !
L'étranger


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Hatari ! (Hatari !)
de Howard Hawks (1962)
Harry Hausen


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Le Poison (The Lost Weekend)
de Billy Wilder (1945)
On oublie souvent l'audace dont avait fait preuve avec ce film Billy Wilder, en sortant pour la première fois l'ivrogne de son archétypal statut de second rôle de comédie pour aborder de front et de manière la plus réaliste possible la question de la dépendance à l'alcool. Ray Milland y incarne un écrivain raté, pour un week-end (perdu) seul à New York, la bouteille pour seule compagne. Avec minutie, Wilder décrit le cercle vicieux qui emprisonne ce quidam lambda, de ses réticences morales vite balayées à sa déchéance cruelle, en passant par ses angoisses et ses hallucinations (la scène choisie pour cette semaine "raccord" peut d'ailleurs, par son intensité et la force de son montage, être considérée comme le climax du film). En choisissant - pour une fois - de traiter son sujet avec gravité et de façon exclusivement dramatique, et en quasi-respectant les unités de temps et de lieu, Wilder confère à son film une dimension tragique au sens classique du terme, y compris dans un final que d'aucuns pourront trouver un peu abrupt (voire simpliste), mais qui fait du Poison une oeuvre puissante, à l'impact inaltéré par le temps (il s'agit toujours de l'un des plus grands films sur le sujet, avec probabement l'oeuvre d'un autre maître de la comédie américaine : Le jour du vin et des roses de Blake Edwards). Précisons pour finir sur une anecdote amusante que le lobby de l'industrie des spiritueux, inquiète de l'impact du film sur ses spectateurs, proposa à l'époque à la Paramount une rondelette somme (5 millions de dollars) pour éviter la diffusion du film, ce que le studio refusa ; Billy Wilder clamant de son côté qu'ils auraient mieux fait pour avoir gain de cause de s'adresser directement à lui...
ed crane


6



Marathon Man (Marathon Man)
de John Schlesinger (1976)
On a déjà beaucoup écrit sur ‘Marathon Man’, ici entre autres : http://www.dvdclassik.com/Critiques/marathon-man-dvd.htm Modèle de thriller à la fois populaire et d’une remarquable intelligence – tout ce qu’on aime des années 70 -, le film de Schlesinger a souvent marqué les esprits pour sa traumatisante scène d’interrogatoire qui ne donne pas de frissons qu’à ceux qui ont déjà une peur panique du dentiste ; on mentionne aussi souvent la vrai-fausse altercation entre Dustin Hoffmann et Laurence Olivier au sujet de leurs méthodes respectives de jeu – les deux acteurs s’admiraient beaucoup en réalité. Mais les séquences d’exceptions sont nombreuses, citons entre autres la dernière visite de l’Ange Blanc dans le quartier des diamantaires, qui vous scotchera même si vous êtes fans de ‘Seinfeld ‘. A film ultra-connu – et pourtant jamais proposé à ce jour au FRCD -, questions difficiles : j’ai choisi de vous égarer un peu en brouillant les pistes géographiques et en mettant en valeur les excellentes séquences parisiennes où Roy Scheider se livre a de troubles négoces dans un Paris agité par les manifestations et les grèves.

Disponible chez Paramount dans une édition satisfaisante.
Swan


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Le monde perdu (The Lost World)
de Harry O. Hoyt (1925)
Harry Hausen


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Legend (Legend)
de Ridley Scott (1985)
Dans un monde parfait, Legend devrait être considéré comme l'un des meilleurs films de Ridley Scott et comme l'un des plus beaux films fantastiques de tous les temps. Mais nous ne vivons pas dans un monde parfait. D'ailleurs Legend n'est pas un film parfait, donc ce n'est pas grave. Je laisse donc la parole à L'étranger… non, je plaisante. Ce qui importe, c'est que rarement un conte de fées, s'assumant réellement comme tel, n'a connu une telle illustration au cinéma. Certes, le scénario n'est pas d'une complexité savante et accumule pêle-mêle bon nombre de références, mais la valeur du film et son ambition première reposent avant tout sur son visuel flamboyant, enchanteur, et riche d'inventivité visuelle. C'est la nature même de Legend que d'émouvoir bien plus par ses prouesses formelles que par son propos. Et comme deux formalistes valent mieux qu'un, Scott s'est assuré les services du génial et regretté directeur de la photographie Alex Thomson (Excalibur, La Forteresse noire, L'Année du dragon, Hamlet, excusez du peu…) pour composer des images d'une beauté fulgurante, tirant magnifiquement partie de toutes les couleurs du spectre lumineux et de la matière d'un décor somptueux intégralement créé en studio. La majesté du projet passe également par la mise en scène de Ridley Scott, qui ne se contente pas d'aligner des tableaux féeriques qui se suffiraient à eux-mêmes, mais fait aussi preuve d'élégance et d'intelligence dans la conduite du récit, aussi naïf que ce dernier puisse être. Féerie et Heroic Fantasy (du moins, certains éléments) font donc bon ménage et, dans ce genre, laisseront à certains spectateurs dont je fais partie une bien meilleure impression que la trilogie de Peter Jackson. D'ailleurs, il est assez amusant (enfin pour moi, pour vous je n'ose pas demander) d'avoir proposé pour le jeu des images d'un anneau magique tombant au fond d'une rivière ; si une équipe a proposé Le Seigneur des Anneaux… je lui présente mes excuses (ou pas). Et que les détracteurs de Tom Cruise me pardonnent également (mais avouez qu'il est sobre là, non ? Non ? OK…). Bon nombre de scènes sont un régal pour les yeux et les oreilles (le travail du son est aussi fabuleux que celui de l'image) : par exemple, la séquence entière de la danse avec l'entrée de Darkness (joué par Tim Curry) franchissant un miroir. Enfin, et j'ai dû me retenir de vous en proposer un extrait mais ça aurait un peu juré avec la thématique de la semaine, Legend doit aussi son sens de la grâce et du merveilleux à la beauté du score de Jerry Goldsmith (décidément, les fées s'étaient vraiment penchées sur la fabrication de ce film !). Quant aux producteurs américains qui ont osé remplacer cette musique exceptionnelle par la bouillie électronique signée Tangerine Dream, ils ont le droit à mon mépris le plus profond.
Roy Neary


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Rois et reine (Rois et reine)
de Arnaud Desplechin (2004)
Pour convaincre l'ami Pasco de se coller devant le dernier Desplechin en date, j'aurai tout essayé. Jusqu'à faire passer Rois et reine pour un "Revenge Movie" (captures 1, 2 et 3), comme si réveiller en lui le doux souvenir des Charles Bronson qu'il s'enfilait, tout marmôt, devant FR3, allait suffir pour le motiver. Apparemment, si j'en crois quelques rires sardoniques au sein de l'équipe, j'ai bien peur que cela n'ait pas été suffisant. Dommage, il ne sait pas ce qu'il rate le Pasco : le meilleur film de Desplechin, tout simplement (encore un argument qui risque de peu compter...), une oeuvre ample et foisonnante, et l'un des films français les plus riches et plus courageux de ces dernières années. Ecrire à Swan, qui confirmera.
Margo


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Le Retour (Vozvrashcheniye)
de Andrei Zvyagintsev (2003)
Jeunes adolescents, Ivan et Andreï n'ont jamais connu leur père. Un jour, celui-ci revient, et leur propose de l'accompagner quelques jours dans ses déplacements en voiture. Ce voyage sera-t-il pour eux l'occasion de comprendre ce mystérieux géniteur ? Trouveront-ils les réponses à toutes ces questions qu'ils n'ont jamais pu poser ? Se découvriront-ils par la même occasion eux-mêmes, tels qu'ils ne se connaissaient pas ? Ce résumé sous forme de question est-il un peu navrant ?
Couronné d'un Lion d'or à la Mostra de Venise en 2003, le film d'Andrei Zviaguinstev fut hâtivement présenté comme l'héritier des grands formalistes russes (au premier rang desquels, évidemment, Tarkovski - voir les prénoms des enfants) ce qui n'était pas forcément rendre justice à un film dôté d'une personnalité assez unique. Discrètement allégorique (principalement autour de la symbolique de l'eau sous toutes ses formes), plastiquement somptueux (Zviaguintsev possède un sens inouï du cadre), visuellement signifiant sans jamais être esthétisant, doté d'un montage très habile qui le fait passer pour un film "contemplatif" tout en étant très découpé et très rythmé, Le retour repose également sur la fabuleuse interprétation de ses trois principaux (et presque uniques, tant l'action se centre sur eux en oubliant progressivement le reste du monde) comédiens, en particulier le jeune Ivan Dobronrakov (sur l'indice 1 et à droite sur l'indice 2).
Jamais ennuyeux, intellectuellement stimulant sans jamais chercher à mâcher le travail du spectateur par une "psychologisation" des personnages, le film happe dès sa première scène (le jeune Ivan sur un plongeoir, qui hésite à "sauter dans le vide"), impressionne dans une autre séquence majeure, plus tardive, y faisant écho (celle choisie dans cette thématique raccord), pour laisser au final émerveillé, bouleversé, par la force, émotionnelle comme formelle, de cette oeuvre belle et mystérieuse.
ed crane


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Boys don't cry (Boys don't cry)
de Kimberly Peirce (1999)
Inspiré d'un fait réel qui défraya la chronique dans les années 90 aux Etats-Unis, Boys don't cry doit énormément au talent de son interpête principale, Hillary Swank (Indice 2), qui explose au grand jour dans ce film. Qui aurait imaginé un tel parcours aprés des débuts dans la série Beverly Hills, où elle resta moins d'une saison (comme quoi ça mène à tout) ? Le drame de Brandon Teena, jeune fille qui ne se voyait qu'en garçon et qui finira violée, puis assassinée par ceux qui se disaient ses amis, est surtout d'être née au mauvais endroit. Dans un univers qu'on croirait d'un autre temps, il/elle fait front à ses contradictions. Sa seule erreur aura été de succomber au charme de Chloë Sevigny (Indice 1), la seule qui sent la vérité et l'accepte. La scène choisie est à la fois le sommet de l'accomplissement de Brandon en tant qu'homme et le début de la fin de Brenda. S'abandonnant completement à son amour pour Lana (Question), Brenda baisse sa garde et sera prise au piège. Kimberly Peirce réalise là un film poignant, qui démontre une fois de plus que la connerie n'est pas morte, et qu'en plus elle a la peau dure.
Rocka


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The devil's rejects (The devil's rejects)
de Rob Zombie (2005)
Le futur du cinéma fantastique porte un nom, celui de Rob Zombie. En deux films l'ex-métalleux énervé a réussi l'exploit de gagner assez de crédit pour réaliser le remake d'un chef d'oeuvre, Halloween, sans déclencher une avalanche d'insultes de fans. Et on peut dire que c'est mérité. Aprés la surprise "La maison des 1000 morts" que peu de gens attendaient vraiment. Rob Zombie a transformé l'essai (faut bien s'adapter à l'actualité) avec The Devil's rejects. A la fois hommage à Sam Peckinpah et véritable film d'horreur, le film ne fait aucune concession. Nulle excuse n'est trouvé à ces rejetons du diable, ils sont simplement mauvais. Si vous aimez "Souviens toi l'été dernier" passez votre chemin. Pour cette thématique raccord, j'ai choisi la scène finale, car toute la folie du film est résumée dans cette scène. Du jusqu'au boutisme de la famille Firefly, à l'acharnement des flics, tout y est pour porter la violence du film à son paroxysme. En question la mise en place du barrage de police avec Dave Sheridan, plus connu sans doute pour avoir été le chauffeur de taxi barjeot dans un clip des Red Hot, en indice 1 la menace de la voiture freinant avant le barrage, puis en indice 2 la plongée découvrant les corps déjà bien abîmés avant l'affrontement final.
Rocka


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L'autre rive (Undertow)
de David Gordon Green (2004)
Le cinéma américain ne mourra jamais !
Du moins tant que de jeunes réalisateurs viendront construire des filmographies fortes et profondes, en complet décalage avec les navrants films de héros qui n'ont de super que leurs budgets ou les terrifiantes comédies plus ou moins romantiques à bases de bellâtres de tous sexes que des majors aseptisées produisent à la pelle (mécanique).
J'ai longuement hésité entre les trois films de David Gordon Green pour finalement choisir le plus connu et le plus accessible (ça n'a pas l'air comme ça mais j'ai eu pitié de toi, valeureux joueur du frcd). Car après l'étonnant George Washington et le magnifique All The Real Girls, Green signe un film noir à la narration plus classique que les précédents, s'inscrivant du coup dans la plus pure tradition américaine, la vraie, celle des films aux scénarios de qualité qui ont quelque chose à raconter.
Oui je sais, dit comme ça, ça sonne bizarre tellement ça devient rare mais fut un temps où c'était la norme voire une obligation. Dingue !
Pourtant, avant même l'histoire (travail à trois mains signé Green, Lingard Jervey et Joe Conway) ou la qualité des portraits campés (vous n'oublierez pas de sitôt le jeune Tim et ses désordres en matière de nourriture), c'est la poésie des séquences et la maîtrise des images qui vous sautent à la figure, vous transportant avec une curieuse allégresse dans un monde violent et impitoyable où la famille ne vous protège de rien, bien au contraire. Et où l'amour fait souffrir !
D'ailleurs la séquence d'ouverture et son raccord qui fait grimacer (hein que vous avez grimacé, vous qui avez eu la sagacité de demander les indices plutôt que de répondre dès la question comme des machines ?) ne dit pas autre chose. Alors qu'il s'enfuit de chez sa petite amie, coursé par le paternel d'icelle, Jamie Bell (oui oui, Billy Elliot en personne, indice 2), en sautant (question) sur une planche en contrebas se plante le pied sur un clou saillant (Indice 1 une simple recherche sur un moteur connu dans la langue de Shakespeare sortait le film). Et malgré l'insoutenable douleur, il continue sa fuite en tordant le clou pour que la planche soit solidaire de son pied. Le ton est donné, tout est dit ! Si tu veux continuer à vivre et à aimer, endure ! Car la vie ne te fera pas de cadeaux.
À part peut-être les films de David Gordon Green !
Car tant qu'il sera aux côtés des James Gray, des Kimberly Peirce (je partage à 200% le choix de Rocka dans cette même semaine) ou des Paul Thomas Anderson, à brandir haut l'étendard du cinéma américain, celui ci ne mourra pas ! Merci à eux !
Pasco Meisner


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L'arme fatale (Lethal Weapon)
de Richard Donner (1987)
Je pense vraiment que c'est grâce à ce film de Richard Donner que le genre des "buddy-movies" a été autant popularisé et immortalisé, car, même si Walter Hill l'avait précédé avec 48 heures, Donner l'a vraiment imposé avec son savoir-faire. Alors, contrairement à ce qu'on peut croire, ce n'est pas si évident que ça de réussir un tel film : il faut que les deux personnages principaux soient très différents l'un de l'autre mais qu'ils arrivent à s'entendre et à se complèter, sans que l'un soit plus charismatique que l'autre ! Dans le genre, on peut dire que le duo Mel Gibson/Danny Glover fonctionne parfaitement. Mais si je trouve que L'arme fatale est si bon, c'est parce qu'il arrive à mélanger sans complexe des scènes de comédie avec des scènes plus dramatiques, à passer de scènes d'actions très spectaculaires (la marque Joel Silver !) à un tempo plus léger et calme, et tout ça en quelques secondes d'intervalles. En plus - et pour moi, ce n'est pas un défaut - le film reste profondément marqué par les années 80 : la garde-robe et la coupe de cheveux de Gibson, l'éclairage du film, les seconds rôles, la musique et pas mal d'autres détails... Donc quand je revois le film, je me retrouve devant mes scéances de cinéma d'ado alors que je découvrais avec délectation un nouvel essor du cinéma d'action américain (avec les Terminator, Piège de cristal et autres Predator). Dire que maintenant, la plupart des block-busters sont truffés d'effets spéciaux trop visibles, les histoires ne sont pas plus palpitantes que ma liste de course chez Lidl (oui, je vais chez Lidl et alors ?), les scènes d'actions sont trop découpées ou elles sont tremblantes de partout et du coup deviennent carrément illisibles ou me fichent des maux de têtes pas croyables, d'ailleurs, ces mêmes scènes d'action sont victimes d'une telle surenchère que ça devient du grand n'importe quoi, mais jusqu'où iront-ils ?
Bref, quand je vois ça, je préfère me remater L'arme Fatale une énième fois ! Raaaah, nostalgie, quand tu nous tiens (ou la célèbre phrase du : comment qu'c'était bien mieux avant mon bon monsieur).
L'étranger


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Dumb & Dumber (Dumb & Dumber)
de Peter Farrelly et Bobby Farrelly (1994)
Comme j'ai peu de temps devant moi pour rédiger les deux notules de mes films, allons à l'essentiel : il était hors de question de proposer une session sans la moindre capture de Dumb and Dumber, dont l'absence dans les archives du jeu se faisait cruellement sentir (c'est le mot). Pour le choix des captures, l'évidence : cette merveilleuse scène de chalet, où le dernier chic en matière de pulls chamarés le dispute à la poésie de la situation. Soyons clair, net et précis : ami FRCDien, si tu n'as pas ri devant ce mirifique enchaînement de plans, j'ai peur que nous ne puissions plus rien faire pour toi. Car Dumb and Dumber est bien le Saint Graal de la comédie américaine moderne, son modèle indépassable, son chef-d'oeuvre incandescent (voilà que je m'enflamme - capture 3). Au point que l'Etranger, dans un étonnant réflexe mimétique, aime souvent à rejouer chez lui la scène qui vous fut proposé cette semaine. On est fan, ou on ne l'est pas.
Margo